C’est l’histoire d’un gars comprends-tu… À moins que ce soit
l’histoire d’une belle-mère? Ou, d’un newfie, ou d’un roux.
Tout compte fait, c’est peut-être l’histoire d’un politicien.
Mieux encore, d’une femme politicienne. Dans tous les cas, cette personne est
blanche, d’âge moyen, de taille moyenne, de poids moyen et n’a aucun ancêtre
juif ou musulman. Aussi loin qu’on puisse remonter.
Toujours est-il que cette personne fumait. Depuis des
années, et ce, même si elle collectionnait les images de grosses dents jaunes
avec des gencives qui saignent et celles de poumons noircis sur ses paquets de
cigarettes.
Roger-Rogère (c’est comme ça que j’ai décidé d’appeler la
« personne ») se traine aujourd’hui par terre parce qu’elle a pogné
un cancer. Lequel? Le cancer de toutte, de toutte ce que tu peux pogner quand
tu fumes. Dans le jargon médical on appelle ça le cancer des trous. Dans la
bouche, dans l’anus, dans le nez, dans les oreilles aussi! Bref, dans tous les
trous des cheveux aux pieds.
Faut croire que les photos montrant des morceaux d’humain pourris
sur les paquets étaient trop subtils pour la personne et que, malgré la mise en
garde, « Fumer est nocif pour la santé », la notion de danger est
restée floue pour elle.
Est-ce que c’est la faute de Roger-Rogère si elle a le
cancer des trous? En s’exposant comme ça aux substances toxiques de la
cigarette, en prenant le risque conscient de subir les effets secondaires et
d’en faire abstraction pour profiter du plaisir qu’elle avait à fumer, disons
que la personne n’est pas innocente. Même si elle a le droit d’être en criss.
La beauté de la chose, c’est que Roger-Rogère n’est pas si
fâchée que ça. Au départ, oui, elle l’était. Parce que le cancer des trous, ça
fait mal quand tu parles, quand tu chantes, quand t’entends de la musique, même
quand tu manges des muffins. Surtout les muffins au son parce qu’ils te font
mal à deux trous. C’est ça la vie avec le cancer des trous et c’est le risque
que la personne a pris quand elle a commencé – et continué – à fumer.
C’est comme… le risque que tu prends d’être exposé aux
commentaires des autres quand tu fais un métier public. Je veux dire, disons un
métier public au sens de gagner sa vie sous les follow spots. Être juste là en
dessous de la grosse lumière depuis que tu t’es inscrite et que t’as presque
remporté un concours de popularité. T’es là parce qu’on ta jugée, sous toutes
tes coutures, ta voix comme ton look (tsé, ça s’peut que c’était la styliste à
Céline Dion qui t’habillait pour rehausser tes chansons). C’est pas une obligation de se faire
juger, mais ça vient avec la job. Poche, mais c’est ça.
Quand un gars dont le métier est humoriste lance un
spectacle qui s’appelle Cinglant, qu’il fait dans ce même spectacle une joke
insultante sur un personnage public, nonobstant la qualité de la blague (drôle
ou pas) … ça reste de l’humour.
De qui ou de quoi peut-on rire au Québec, en 2012? Normal de
se poser la question. Certainement, si la joke transcende le malaise et surtout
si le gars ou la fille qui met le feu assume ce qui est dit. Peut-être qu’on
prend le problème à l’envers. Peut-être qu’on devrait réfléchir à qui ou quoi dicte
les limites de l’humour au Québec.
Chose certaine si ce « qui ou quoi » était une
chroniqueuse qui auvait oublié de voir le spectacle avant d’envoyer ses blagues
à l’index, ce serait drôlement « malaisant ». Surtout qu’au final,
rappelons-nous que jamais une joke, même ben méchante, n’a causé un jour le
cancer des trous.
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